Mon BFK 2009
Je tiens à ouvrir cet article avec une clarification importante, le sens de BFK :
BREITENFÖRDERUNGSKURS.
Comprendre ce mot seul vous assure avoir le niveau d’allemand requis pour communiquer avec les gens sur place. Si comme moi, ce mot ne vous dit rien, il faut s’attendre à créer un réseau de traducteurs bénévoles dévoués et autres amis pour vous dépanner.
Heureusement dans le monde vélivole, la majorité sont des gens avec le cœur sur la main.
Donc le BKF est un cours pour pilotes ayant récemment passé leurs licences, et souhaitant voler sur les alpes. L’objectif du cours comprend de la théorie (2 heures chaque matin, présentée par les différents instructeurs selon un programme flexible et digeste), des vols avec instructeur en biplace et selon l’expérience et la météo, des vols solo la deuxième semaine.
Dans notre cours, 24 participants, majoritairement des Suisse Allemands, quelques Allemands, et deux romands (plus un moitié-moitié du GVVVM), et 14 moniteurs équipés de biplaces allant du dernier cri (DG1000), récents (Duo Discus et DG 500) et quelques épaves (TwinAstir ayant subi les assauts du temps). De plus, une dizaine de monoplaces amenés par les participants (quelques vieilles casseroles et des planeurs digne du nom).
Je me suis donc rendu à Samedan, dans la vallée de l’Engadine aux Grisons avec Yves Vandeplas, remorquant fièrement notre ASW19. Nous avions prévu de faire des départs au treuil à Yverdon avant notre départ, mais la météo et des circonstances diverses nous en ont empêchés. Dommage, car cela nous aurait permis de voler plus, et limiter quelque peu les tours de piste pendant le BFK même.
Il existe deux types de pilotes, ceux qui –proche de la nature- font du camping (près de la moitié des participants) et ceux qui s’accrochent au confort et au luxe, résidant en appartement ou hôtel pendant le séjour. Pour ma part, j’ai loué un appartement au village en collocation avec Oscar, un Tessinois (ex-EPFZ) et Dieter, un Allemand vivant en Suisse (technicien sur centrale nucléaire -je te jure, c’est vrai !). Cette collocation est un peu un remake de l’Auberge Espagnole, le sexe en moins. Yves, plus proche des sapins et marmottes, a préféré le camping, où on d’ailleurs séjourné les deux représentantes de la gente féminine. Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé là-bas, pour se tenir chaud les nuits ou il faisait +5°C… peut-être ce qui ne se passait pas dans mon appart ?
Le premier jour, Welcome général, on présente tous les moniteurs, l’équipe d’encadrement. Retenir 15 visages et noms, j’ai en tout cas retenu celui de mon instructeur, Adrian de Thoune. Quelques formalités, un petit speech, et hop on va voler. Au moins le ton est donné : on est là pour voler, pas pour parler. Bien.
L’aéroport de Samedan accueil d’une part la Jet-Set allant se montrer à St Moritz, d’autre part les passionnés d’aviation et planeurs. Pour accommoder ces deux groupes antinomiques, il y a une barrière, quelques lignes peintes parterre et un panneau indiquant la limite Schengen. Nous vélivole en faisons le tour, et voila.
Une fois notre Duo Discus flambant neuf prêt, départ au treuil (pour moi une première).
Description pour ceux qui n’ont jamais testé :
- une ficelle de 1100 m t’arrache en 4 secondes de 0 à 100 km.
- tu tire le manche, pour retenir et faire faire levier sur cette ficelle et monter à 150 km/h dans une pente de 30° (planeur à près de 45°).
- En 30 secondes, avec des pointes de +15m/s d’ascension (selon mon GPS) tu te retrouves à 500 m sol, clac la corde lâche.
- tu peux recommences à respirer.
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En premier treuillage dans l’ASW 19, il faut rajouter la dimension samba : le planeur danse, jouer du ukulélé et claquette pour garder le cap, bien grimper. De plus un petit vent latéral nous a accompagnés presque en permanence pendant ces deux semaines.
Ensuite, vols le long de la vallée de l’Engadine, 20 à 30 km dans chaque sens, interrogatoire de géographie sur les sommets, les vallées, prouver à l’instructeur que l’on sait se repérer. Pour rendre la vie facile, les sommets autour ont des noms imprononçables (Muottas Muragl, Corvatsch, Morvatsch, Morderatsch, Chaichaln). Mais c’est beau… Voler au dessus des crêtes entre 3000 et 4000. Les pentes au nord sont enneigées jusqu’à 2600 m, les Glaciers, les lac turquoise intense.
Dès le deuxième jour, on fait du vol en pente. Dès que l’on a décroché du treuil, direction paroi sur du Muottas Muragl, et on écoute le chant du Flarm. C’est ici que l’on grimpe de vite fait à 3200 m, ensemble, à e regarder dans le blanc des yeux lorsque l’on se croise.
Franchement, stressant et dangereux, car il y a ceux qui n’arrive pas à monter et stagnent à une certaines altitudes ceux qui font tout pour passer, et ceux qui applique les priorités avec une surcouche de sécurité. Si des fois je nous trouve nombreux sur le Châtel ou la Dent de Vaulion, là, je revois me références.
Nous sommes allés repérer les champs vachables dans un rayon de 15 km (il y en a déjà 4, c’est pas mal), mais calculer les distances en passant par des cols, des finesses pour rentrer via ces champs, c’est tout un art. J’ai testé cet exercice avec et sans oxygène, et pour moi, déjà à 3200 m, mon cerveau ne fonctionne plus à 100% sans oxygène.
Pendant cette semaine, j’ai
- volé 11 des 12 jours pour un total de « seulement » 14 heures
- passé ma licence treuil (45 départs en tout)
- transité Duo Discus
- volé à 4200m
- volé dans l’onde
- fait la navigation sur alpes
- Testé et approuvé l’effet de l’hypoxie (incapable de calculer ma finesse à 3400 m sans oxygène)
- volé un peu solo en pente (mauvaises conditions les derniers jours…)
- travaillé le langage radio (annonce tout le temps pour tout, en même temps tous les autres, qui eux le font en suisse-allemand
- rafraîchi ma théorie
- parlé en allemand
- convaincu me colloc’ qu’on ne mange pas du jambon M- Budget aux grisons
- roulé 450 km dans chaque sens à 80 km/h sur autoroute avec un remorque
- vu des gens qui monte et démonte chaque jour leurs planeurs
- constaté que certains sont ostensiblement fiers de leur TwinAstir pourri (là je me réfère à l’état général du planeur d’avantage que son âge)
Un programme chargé chaque jour de 8h30 (théorie / briefing) à 19h / 20h rangement final. Je reviens ébloui, un peu fatigué, mais ce n’est pas grave je me reposerai au bureau…
En fin de compte, ce que je ramène de ce camps :
- sans aucun doute, il est le début d’une longue série de camps (Fédé ou Club)
- l’allemand de base est requis pour assister au BFK, mais pas besoin de le parler couramment
Moralité, Montricher c’est bien, le monde autour c’est mieux !
Seul au monde (surtout quand on n’est pas à la pente)
L’aéroport de Samedan, vu d’en haut.
La magie de grisons, c’est quelque chose
Samedan et les 4 « grands » lacs de l’Engadine (St. Moritz, Champfèr, Silvaplana et Sils).
Le lac de Livignio, l’Italie c’est juste de l’autre côté.
Crédit photos : un peu tous les participants ont posé leur photos sur groupe Facebook….
Kristian UNELL
My BFK
Samedan (GR) LSZS - Altitude 1700 m
L'histoire commence en janvier 2009. Dès le moment où j'ai entamé la procédure d'inscription pour ce camp et que j'ai trouvé les premières infos j'ai compris que je me préparais à vivre une grande expérience. Si comme pour moi, votre rêve de voler en planeur se manifestait par une image de vol libre, par-dessus les crêtes et les glaciers, avec des sommets à perte de vue, alors c'est là, au BFK de Samedan que, enfin, il devient possible de le toucher du bout des doigts. Oui, du bout des doigts. C'est un stage de perfectionnement et de découverte. Il faudra encore quelques vols et de bons conseils pour, un jour, se sentir libre, en sécurité et en osmose avec cet environnement si exigent et complexe qu'est le milieu alpin.
Mais il n'y a pas de rêve sans défi, sans difficultés ni inconnues, donc sans appréhension. Prévenu par d'anciens participants, en particulier par François Fillettaz, de l'ampleur de la tâche que représente l'initiation au vol de montagne, je ne me suis pas laissé emporter par mon imaginaire et mon optimisme naturel, ce qui m'aurait couté d'amères frustrations. Non, on ne vous lâche pas seul pour une ballade, même en local, si vous n'avez pas entièrement convaincu votre instructeur d'une maîtrise complète de l'exercice.
Et il faut dire que pour un pilote de plaine et du Jura, le dépaysement est complet.
Météo de montagne : les vents de vallée, appréciés et bien connus dans la région, étaient constamment perturbés par l'influence d'une basse pression persistante centré sur l'Adriatique. Elle générait une météo instable et des vents capricieux pendant tout le camp, ou presque. Lorsque le soleil et les vents thermiques s'en mêlent, ça part dans tous les sens. Il faut constamment chercher des indices pour connaître la direction du vent résultant de cette combinaison hasardeuse, le facteur principal qui détermine les possibilités de vol.
Nouvel avion : Duo Discus. Après un apprentissage sur ASK 13 et B4 c'est un saut de géant. Vitesse-assiette, sensibilité des commandes, envergure et inertie… un autre monde ou tout va beaucoup plus vite. En spirale, la moindre inattention ne pardonne pas. Avant même de s'en rendre compte, la vitesse à chuté ou s'est emballée. Instantanément, une vocifération sourde et inquiétante, provenant de l'arrière du cockpit, proférée dans un langage incompréhensible et pourtant très vite assimilée vous ramène à l'ordre : " Geschwindigkeit ". Pfffff Et c'est comme ça pendant les 5, 10,ou 15 premier vols. Le temps d'adaptation n'est pas négligeable. Deux semaines sont justes suffisantes pour commencer à se sentir à l'aise.
Aéroport contrôlé : vitesse enfin stabilisée, belles spirales dans la zone de perte d'altitude, la concentration est totale. A cet instant, le simple fait d'enclencher le micro et de lancer une tirade suffit pour faire osciller l'oiseau de quelques degrés et perdre la bonne vitesse. Les communications systématiques et les feed-back qu'il faut donner surchargent les neurones et la qualité du vol s'en ressent tout de suite.
Décollage au treuil : que du bonheur ! Certes, un peu dangereux sur les premiers mètres, mais relativement facile à maîtriser et franchement très impressionnant. Le machiniste adapte la puissance du treuillage en fonction de chaque appareil et de sa charge utile. Dès que l'appareil à atteint sa vitesse optimale de montée (120 à 140 km/h pour le Duo), la grimpette est vertigineuse.
Faire de l'altitude : ca bouchonne à la pente, le flarm indique le premier appareil qui vous menace, l'exercice consiste à chercher le deuxième, le troisième… Puis, ne pas les perdre de vue ou s'en souvenir et les retrouver, tous, chaque fois que l'on fait demi-tour. Franchement stressant lorsque la meute est constituée de pilotes aux comportements et aux habitudes de vol si différents. C'est fou, les règles sont pourtant les mêmes pour tous et le résultat montre que l'interprétation, ou du moins l'application, varie suffisamment pour anéantir toute harmonie et tout sentiment de sécurité. Dégager, vite, trouver un thermique avant les autres… ou rentrer et réessayer plus tard.
Orientation et navigation : un conseil, vérifiez avant de partir que vos mirettes vieillissantes ne vous laissent pas tomber au moment de devoir lire les noms imprononçable des monts, des vallées et des bleds. Pour ma part j'ai fait l'impasse. Je me suis finalement contenté de donner ma position en distance et direction par rapport à l'aéroport. Les vallées et les sommets se suivent et ne se ressemblent pas, pour le local de l'étape uniquement... Une bonne préparation s'impose si l'on ne veut pas subir d'interminables interrogatoires en vol et passer son temps le nez dans la carte plutôt que de piloter et de profiter. Pour info, il n'y a aucune pancarte géante plantée sur les sommets pour vous indiquer les noms des montagnes.
Résultats et impressions : 37 vols, moins de 10h en l'aire sur deux semaines, là il y a quand même une légère déception. Kristian Unell et moi sommes partis avec un niveau et une expérience à peu près semblable (un peu de diplomatie ça ne coute rien…). Nous savions qu'il serait difficile de nous adapter à un Duo Discus, de passer notre licence de départ au treuil, de nous familiariser avec le vol en montagne, et de faire des long (hauts) vols, le tout en 10 à 12 jours, mais il fallait y croire. L'atteinte de cet objectif dépendait de nombreux facteurs dont notre niveau de base, notre capacité d'apprentissage, la météo, l'instructeur et la confiance qu'il peut avoir en ses élèves. Kristian est parvenu à réaliser quelques vols seul avec l'ASW 19 les deux derniers jours, ce que je ne suis pas parvenu à faire (uniquement à cause de la météo, cela va de soit).
Il me semblait d'abord que c'était une erreur d'être partit avec cette ambition de voler seul alors que la vrai " valeur " de ce camp est de voler avec des instructeurs chevronnés, de profiter de leur expérience et de leur talent pédagogique pour nous faire progresser sur ce terrain inconnu. Après coup j'ai donc pensé qu'il serait plus enrichissant de voler uniquement en double commande et de ne pas envisager de voler seul. Mais, en partageant cette réflexion avec Paul Guniat il m'a donné sont point de vue sur la question : il est nécessaire, lors d'une période d'apprentissage intense telle que ce camp, de pouvoir assimiler et consolider les nouveaux acquis en les mettant à l'épreuve. Et rien de tel, pour cela, que de les expérimenter seul. Une fois que l'on se trouve seul pour décider et agir c'est là que se forge la confiance en soi. Pour autant que tout se passe bien, c'est évident.
En conclusion je dirai que pour profiter au maximum de ce BFK il est vraiment recommandé de passe la licence treuil avant le camp pour pouvoir alterner les vols en double commande et les vols solos dès la deuxième semaine. D'autre part, une bonne préparation théorique (et géographique) sera très utile. Je vous recommande vivement le petit bouquin rédigé par Paul Guniat, intitulé " Préparation au vols alpins " disponible au Club House. C'est un condensé d'information inspiré par ses propres expériences de moniteur BFK et par l'observation des difficultés que rencontrent systématiquement les " jeunes pilotes " lorsqu'ils se lancent à l'assaut des montagnes. J'vous jure, c'est à croire qu'on est tous pareils, enfin sauf Kristian, le seul capable de voler avec seulement Unell…
Quoi qu'il en soit, même seul ou avec Kristian, sans licence treuil, avec un allemand mezzo et une tente de camping prévue pour la Grèce au mois d'aout, c'est une expérience fantastique. L'apprentissage est énorme, les rencontres très sympa, l'environnement époustouflant. N'hésitez pas, foncez.
Ps : c'est pas cher : CHF 600 d'inscription + les départ au treuil (tarifs dégressif). En tout j'ai payé 600 + 750 pour 37 départs. La location des biplaces n'est pas facturée, elle est payée par la fédération suisse de vàv. Sur place il faut compter minimum 40.-/jour pour un B&B ou quasiment rien pour le camping municipal qui se trouve en bout de piste. Vélo indispensable pour les trajets Camping, salle de cours au village et aéroport.
Yves Vandeplas
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